vendredi 11 mai 2012

S'approprier sa ville et l'occuper, c'est l'enrichir!

(AVERTISSEMENT: Avant toute chose, il convient de préciser que la mention d'occupation de la ville qui se retrouve dans le titre n'a absolument rien à voir avec l'actualité qui a trait au mouvement de contestation étudiante ou autre. Au contraire, ce dont il est question, c'est d'une occupation totalement informelle et individuelle, de nature civique, certes, mais absente de toute forme de revendication officielle. Voilà qui est précisé.)


Il y a quelques jours, par un crépuscule ensoleillé mais frisquet de ce début mai, nous sommes allés faire un tour au parc en famille. Il faut savoir que cette activité simple a la cote chez nous car, alors que l'été dernier elle était encore trop petite pour apprécier les sensations fortes offertes par les balançoires, la Princesse centricoise a depuis l'arrivée de l'actuel printemps découvert le plaisir de ces manèges version 1.0, d'où les visites plus fréquentes dans les parcs municipaux.

C'est donc par un beau temps frais que nous nous sommes rendus au parc Milette aux abords de la rue Saint-Damase - Princesse y aime beaucoup la balançoire jaune! Une fois là-bas, ce qui m'a immédiatement frappé, c'est à quel point le parc était désert. Il n'y avait notamment aucune âme roulant sur la piste cyclable, que ce soit en vélo, en patins, en poussette ou autres. À l'intérieur de ce grand parc où nous arrivions, sur les courts de tennis et le terrain de volleyball (ce dernier sans filet), dans la section boisée parsemée de bancs et de tables à pique-nique adjacente à la piscine décrépite: pas un chat! Sauf... une dizaine de personnes (10 précisément) - un groupe composé d'hommes et de femmes; d'adultes, d'ados et d'enfants -  et un petit chien trapu à la démarche lourdaude qui me rappelait celui d'une annonce de Kibles 'n Bits de ma jeunesse. Personne d'autre dans tout le parc que ce petit groupe qui se trouvait, lui, du côté du module de jeux.

De ce groupe, certains se balançaient, d'autres jouaient au ballon tranquillement, le chien venait fouiner de temps en temps de notre côté en étant aussitôt rappelé d'un vif «¡Ven aquí!»... Ah! Je n'avais pas mentionné ce détail, mais le groupe en était un de latinos, de Néo-Centricois, possiblement d'origine colombienne vu la présence importante de cette minorité à Drummondville, mais je ne leur ai pas demandé, alors qu'en sais-je au fond? En fait, ça n'a aucune importance dans mon propos, outre le fait qu'il m'a été réconfortant de constater qu'eux - Drummondvillois d'adoption - savent s'approprier ce que leur ville a à offrir et, du coup, qu'ils insufflent un brin de joie de vivre au bourg à bien des égards somnolent qui les a accueillis.

En les voyant, j'ai songé tout de suite à ces parcs au Mexique que j'ai encore pu voir récemment, pris d'assaut quotidiennement par les habitants, et j'ai ressenti une pointe de tristesse. En ce beau début de soirée printanière, le parc aurait revêtu, n'eut été de la présence du groupe ci-haut mentionné (et la nôtre), l'ambiance d'un cimetière.

Alors que j'étais encore jeunot, mes études en science politique m'ont permis d'apprendre - c'est un début! - que la souveraineté sur un territoire donné ne trouve généralement sa légitimité que dans l'occupation de facto dudit territoire. Ainsi, un état, un pays, une nation peut difficilement prétendre à la possession et au contrôle d'un territoire qu'il ou qu'elle n'occupe pas. Or, à l'échelle locale, le faible taux d'utilisation de certaines de nos infrastructures publiques - du parc Milette parmi bien d'autres - me procure un certain degré de mélancolie associé à la tristesse et au dépit de voir que nous, Drummondvillois, prenons si peu possession de certains éléments du patrimoine collectif qui est le nôtre: nos parcs, nos pistes cyclables, nos trottoirs (!), etc. Ces infrastructures appartiennent certes de jure aux citoyens qui les payent via leurs taxes, mais trop peu d'entre eux se prévalent de leur droit d'en jouir, de sorte qu'à terme, le développement municipal finit par se faire dans une logique non plus de développement d'un milieu de vie harmonieux, mais plutôt dans une perspective purement utilitaire. En termes concrets, pourquoi investir pour faire des trottoirs si les gens s'en servent si peu?

À titre d'exemple, lorsque que la Ville a procédé à la rénovation au complet du boulevard Lemire entre la rue Saint-Pierre et l'autoroute 20 il y a quelques années, le projet a mené au doublement des voies motorisées, qui ont passé de deux à quatre, mais aucun trottoir ni piste cyclable n'a été aménagé sur toute la longueur de ce segment. Triste développement!

C'est sans doute discutable, mais pour moi, la richesse d'un milieu passe nécessairement par la capacité à pouvoir le découvrir à pied et à le partager avec le plus grand nombre de mes concitoyens. Oui, Drummondvillois de la Terre, osez profiter des trottoirs là où il y en a (pas dans mon quartier malheureusement), envahissez les pistes cyclables qui forment un joli et vaste réseau à travers la ville et courez vite au parc le plus proche pour l'animer de votre présence dont il a besoin pour justifier qu'on l'entretienne mieux et qu'on l'embellisse.

Personnellement, je serais ravi si un jour, en visite dans l'aire de jeu du parc Milette, ma fille devait opter pour une des balançoires noires parce que d'autres enfants déjà sur place occuperaient déjà la balançoire unique pour laquelle ils manifesteraient eux aussi une préférence: la jaune!

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