lundi 23 avril 2012

Dénoncer la condescendance

Avant toute chose, je confesse que les revendications du mouvement étudiant au regard de l'augmentation des frais de scolarité ne suscitent chez moi ni grande passion ni élan de solidarité aveugle.

Mais ne vous méprenez pas, je suis d'avis que, dans un monde idéal, l'éducation - une éducation de qualité - devrait être accessible à tous de la maternelle à l'université et ce, GRATUITEMENT. Toutefois, dans le monde réel, rien n'est jamais si simple, à plus forte raison dans une société qui a pris la mauvaise habitude de ne calculer la valeur des choses qu'en fonction de ce qu'elles coûtent...

Mais bon, aborder le fond de la question n'est pas ici mon propos; d'autres qui sont plus près de l'enjeu le font déjà très bien.

De toute façon, on peut être d'accord avec la hausse des frais de scolarité, on peut être contre : dans les deux cas, la position est légitime et il existe un argumentaire crédible pour la défendre.

Une démocratie n'est-elle pas saine que lorsqu'elle engendre ou encourage le pluralisme?

Mais, depuis quelques jours, il y a une approche qui me pompe vraiment l'air et c'est l'attitude paternaliste du gouvernement à l'égard du mouvement étudiant. Sans même tenir compte du disgracieux dérapage du premier ministre Charest dans son récent discours à l'humour douteux au Salon du Plan nord, c'est teinté d'une profonde condescendance que le gouvernement du Québec aborde en tout temps l'actuel conflit étudiant.

C'est quoi cette folie de la ministre de l'Éducation Line Beauchamp de passer son temps à répéter que le gouvernement EXIGE que la CLASSE dénonce clairement la violence avant d'entamer quelque processus de négociations que ce soit?

Depuis quand le gouvernement exige-t-il des groupes avec lesquels il négocie des déclarations professant leur bonne vertu absolue et leur rejet des actions répréhensibles de tout le monde et de son beau-frère?

Avez-vous déjà entendu un gouvernement exiger d'une centrale syndicale qu'elle dénonce la violence comme prérequis pour négocier? Ici, je ne parle pas d'exiger de cesser la violence, mais bien de dénoncer la violence faite par d'autres, car la CLASSE n'a jamais à ce que je sache encouragé la violence; elle n'a que refuser de jouer le rôle de l'Inquisition pour la condamner chez les autres.

De quelle autorité ou légitimité le gouvernement peut-il exiger de ses interlocuteurs de la CLASSE qu'ils soient des modèles de vertu et qu'ils se fassent les dénonciateurs d'une violence pour laquelle ils ne sont essentiellement coupables que par association?

Au moment d'octroyer des subventions à SNC-Lavalin, le gouvernement du Québec a-t-il déjà exigé de la firme d'ingénierie qu'elle dénonce la violence alors qu'on savait que cette dernière faisait des guili-guilis avec le régime de Kadhafi en Libye, pour n'en citer qu'un exemple?

Est-ce que le gouvernement Charest a déjà demandé aux Canadiens de Montréal de dénoncer la violence, sans quoi ce serait un signe que la direction du club appuie les émeutiers qui font de la casse sur la rue Sainte-Catherine quand le CH atteint - à l'occasion! - les séries éliminatoires?

Quand Jean Charest rencontre des dirigeants et des notables étrangers, dont certains ne figurent pas toujours en tête de liste du palmarès démocratique, comme ce fut le cas par exemple au Sommet des leaders sur les changements climatiques tenu à Cancún en 2010, est-ce qu'il exige de ses homologues qu'ils dénoncent la violence avant de leur serrer la main?

D'ailleurs, quand le PM s'est fait copain-copain avec l'ex-gouverneur Schwarzenegger de la Californie sur la question des changements climatiques, est-ce qu'il a exigé de son homologue que celui-ci dénonce la violence et expie publiquement l'héritage de violence extrême du Terminator en faisant la promesse de tenir la vedette dans une éventuelle version hollywoodienne des Câlinours?

Non, jamais le gouvernement - le même qui est aujourd'hui porteur de l'étendard du Capitaine Non Violence dans le conflit étudiant - n'a fait ça, car ça aurait été à la fois ridicule, méprisant et répréhensible... Mais comme les interlocuteurs sont ici des étudiants, des jeunes, Line Beauchamp et Jean Charest se permettent de donner à ces citoyens une leçon de moralité sur le ton le plus réducteur qui soit. Après tout, les étudiants, c'est juste du p'tit monde!

J'ose à peine imaginer la méthode de discussion de Line Beauchamp appliquée à la garderie de ma fille :

« Gabriel, tu as vu que certains zamis, à qui je t'ai déjà vu parler dans la cour, ont fait des bobos à d'autres zamis et ont brisé des jouets...
Bon, bon, toi tu n'as peut-être pas fait des bobos aux autres, mais si tu ne me dis pas tout de suite que tu n'es pas d'accord quand les autres zamis font des bobos et cassent les bébelles, Madame Line ne te parlera plus et dira à tout le monde que tu n'es pas gentil! »
Personne de sain d'esprit n'est pour la violence. Ce que je vois, ce sont des groupes qui ont des revendications - à certains égards discutables, mais légitimes et méritant justement qu'on en discute - et un gouvernement qui refuse obstinément d'en débattre. En n'intervenant pas dans la cour de la garderie pour faire en sorte que les zamis arrêtent de se taper sur la gueule, n'est-ce pas plutôt Madame Line qui encourage la violence?

Tout ce que je souhaite, c'est que le petit Gabriel, la petite Martine, le petit Léo et tous leurs zamis finissent par dire en pleine face à Madame Line et à son boss :

« Si vous ne dénoncez pas clairement et immédiatement le gaspillage de fonds publics, les dépassements de coûts douteux, la corruption et le copinage, il n'y a aucune chance que mon papa et ma maman votent pour vous la prochaine fois! »


* * * * *


Coup de théâtre en fin d'après-midi aujourd'hui : la CLASSE aurait accepté de dénoncer la violence, de façon mitigée, rapportent les médias.

Si c'est vraiment le cas, c'est une preuve supplémentaire de la bonne foi des étudiants à vouloir mettre de l'eau dans leur vin devant un gouvernement qui, lui, garde la ligne dure dans son discours.

L'affrontement prend une nouvelle forme. Dans le coin gauche, les étudiants Négociation et Compromis affrontent dans le coin droit le duo gouvernemental Arrogance et Intransigeance.

Ne reste à espérer que l'opinion publique gardera l'oeil ouvert en sachant réagir en tant qu'arbitre dans cette lutte qui dure depuis déjà trop longtemps et que la population ne sera pas la victime collatérale qui fera les frais des soubresauts d'une négociation qui s'annonce tumultueuse.


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