lundi 20 février 2012

Le passage à Dorval, USA

J'ai toujours cru que les histoires de douanier américain à l'air bête relevait de la légende, d'une exagération vénielle et qu'au fond ce n'était sans doute que le ton sérieux qu'exige la profession qui devait être interprété par les voyageurs de bonne humeur et au coeur léger comme de l'antipathie non justifiée. En fait, de mémoire, je n'avais en tête que de relatifs bons souvenirs de ces agents chargés de l'accueil à la frontière de nos voisins.


Comme cette fois où, adolescent, je m'étais retrouvé seul et paniqué à l'aéroport de Vancouver - en transit vers Portland puis Medford - après que l'employée au comptoir d'Air Canada m'eut répondu sèchement alors que je lui demandais dans mon anglais sommaire de l'époque ce que je devais faire pour prendre mon prochain vol :

« Where is your student visa? You need a student visa to enter the United States!

- Un quoi? Un visa? Mais j'ai tous les papiers qu'on m'a indiqué d'apporter. Où est-ce que je me procure ça, un visa?

- Au consulat... au centre-ville!

- Au centre-ville? C'est loin, ça?, avais-je dû demandé.

- Ben oui, c'est pas à côté. Vous pouvez y aller en taxi, mais c'est sûr que vous allez manquer votre vol, avait-elle sèchement conclu. »



Inquiet - terrorisé plutôt - à l'idée de me retrouver coincé pour toujours à l'aéroport de Vancouver, sans visa pour entrer aux États-Unis et sans billet de retour vers Montréal, j'avais pris mes affaires et m'était rendu penot vers un des sièges de la salle d'attente, où le trop-plein d'angoisse s'était mis à déborder en larmes.


Puis, prenant mon courage à deux mains et de toute façon n'ayant plus rien à perdre, étant condamné à devenir l'adolescent esseulé et sans visa condamné à errer dans les corridors de l'aérogare de Vancouver pour l'éternité, je m'étais lentement dirigé dans la direction des U.S. Customs.


Là, arrivé devant le douanier après une très brève attente, celui-ci avait simplement pris mon passeport, posé quelques questions d'usage, apposé son mythique tampon sur le document et déclaré d'un ton accueillant « Welcome to the United States! » Oui! En l'espace de quelques secondes, j'avais réussi à passer à l'Ouest avec le sympathique concours de cet officier des douanes américaines alors que la chipie d'Air Canada avait failli me faire mourir d'une crise cardiaque tout juste avant.


Bon, je me suis égaré un peu dans le propos, mais n'est-ce pas là une des beautés du blogue, de pouvoir vous entretenir de tout et de rien sans que vous ne puissiez, même si ça vous ennuie, rien faire d'autre que cliquer sur le X en haut à droite de cette page pour me fermer le clapet!


...


Vous êtes toujours là?


Bon, je reviens à mon douanier de Dorval, tout juste après vous avoir rapidement relaté cet autre exemple de cette fois où j'avais franchi la frontière par la route au poste de Lacolle avec pour motif du voyage d'aller manger au... Taco Bell de Plattsburgh!



Le douanier avait ri: « Ha ha! Taco Bell!... Have a nice day! »



Donc, je vous le révèle d'emblée, il n'y a pas eu de « Ha ha! » cette fois-ci au passage douanier à Dorval. Au contraire, après une attente morne dans la file à peine passées les 4 heures du matin, nous avons été dirigés vers un des nombreux comptoirs où nous attendait cloitré un des douaniers en service.



Comment décrire l'individu? Dans la trentaine, le type avait un air sévère, une absence totale d'humanité dans le ton et un air suspicieux franchement exagéré. Évidemment, j'ai pleinement conscience que le douanier n'était pas là pour nous payer la tournée et nous accueillir en sol étranger avec des bisous; que le gaillard en question, quelques heures auparavant, faisait peut-être la démonstration qu'il est un party animal en dansant frénétiquement sur une table bock de bière à la main sur In the Navy, mais qu'il adopte automatiquement cette attitude neutre (c'est un euphémisme!)lorsqu'il est en service; que nos voisins du Sud ont raison de prendre au sérieux la protection de leurs frontières avec tous les cinglés et fanatiques qui se balladent aux quatre vents, mus par une haine irrationnelle de tout ce qu'est et ce que représente la patrie de l'Oncle Sam, etc. Par contre, je dois me rendre à l'évidence que l'approche du douanier en question était à des années-lumière de l'engagement de courtoisie à l'égard des voyageurs tel qu'il est inscrit dans les instructions qui accompagnent le formulaire de déclaration de douanes (http://www.cbp.gov/xp/cgov/travel/customerservice/pledge_travel.xml).





« Where're y'goin'?



- Mexico City.



- Qu'est-ce que vous allez faire là?



- Nous prenons des vacances.



- À Mexico City?



- Oui, en fait, de là nous allons nous rendre aussi à Querétaro, à Guanajuato, à San Miguel de Allende...



- (Air bête encore plus prononcé, si ça se peut!) J'comprends toujours pas pourquoi vous allez là.



- Euh... J'aime bien ce coin du pays.



- Are you Mexican?



- No, we're Canadians (Oui, oui, vous avez bien lu : j'ai affirmé ça! C'est Stephen Harper qui aurait été content de m'entendre! Haha!)



- De la famille là-bas?



- Non, mais j'ai déjà étudié à Querétaro et j'y retourne en vacance durant quelques jours.



- C'est pour ça, j'ai jamais entendu quelqu'un dire Quewrétaro sans accent sauf s'il a either de la famille là-bas ou lives there. »




À ce moment précis, juste avant que l'agent autorise mon passage aux États-Unis en estampillant mon passeport de la marque officielle de la U.S. Customs and Border Protection, j'ai cru entrevoir un subtil rictus au coin des lèvres du douanier, mais rien n'est moins sûr. L'illusion d'optique ou le simple spasme demeurent les hypothèses les plus probables...



La morale de cet épisode douanier : si vous allez au Mexique pour faire autre chose que vous stationner clé-en-main dans un tout-inclus, faire la rumba et vous paqueter la fraise pendant une semaine, ne soyez pas surpris si le douanier vous toise de son oeil le plus méfiant. Aussi, j'ai commencé à pratiquer ma nouvelle prononciation à l'américaine, mais sans succès, Quewrétawro étant impossible à improviser de façon naturelle : Cancún (prononcé Kan-Koon) est sans doute une destination plus simple pour éviter la suspicion.



Quand même, rien dans cet épisode n'a été vécu négativement par l'auteur de ces lignes. Quant au douanier, il a bien fait son travail au fond. Si ce dernier nous avait accueilli avec plus d'entregent, je n'aurais rien eu à relater ici.



Quoi que, au retour, à l'aéroport de Détroit, le douanier américain qui m'a accueilli, plus volubile, nous a dit en apprenant que nous retournions à Montréal :



« J'ai habité là un bout de temps, près de Kanahwake, à Châaateauguaaayyy! »



Puis, nous remettant nos documents, il a glissé en français un sympathique : «Bon voyage! »



Comme quoi l'attitude des douaniers américains n'est pas dictée par une directive présidentielle émanant du bureau oval, que chacun est maître de sa propre manière de faire les choses : air bête extrême ou façon être humain.



Dernière remarque : l'expérience avec la ligne aérienne Delta a été des plus positives : horaire respecté - voire devancé - transferts ergonomiques dans des terminaux modernes tant à JFK qu'à Détroit (même Dorval est passé à la modernité!), service avenant offert avec le sourire (en anglais bien sûr) et, surtout, aucune trace de cette employée d'Air Canada qui jadis a failli me faire mourir d'angoisse en me faisant croire que mes papiers n'étaient pas en règle!



En passant, si j'ai eu besoin de plus de mille mots pour ne parler que du passage à l'aéroport, imaginez ce que ce sera quand je m'attarderai sur le voyage en tant que tel!



Mais non, rassurez-vous... d'ailleurs, le X en haut à droite est toujours là pour vous accomoder dans les cas extrêmes!

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