jeudi 21 juin 2012

La francisation des marques de commerce: quel mauvais combat de l'OQLF!

À nouveau, l'Office québécois de la langue française annonce qu'elle sort ses gros bras (gonflés à l'hélium), cette fois pour mettre au pas les commerces dont le nom n'est pas francisé:
Après avoir fait preuve d'une grande tolérance ces dernières années, l'Office québécois de la langue française (OQLF) a décidé de serrer la vis aux commerçants qui affichent leur marque en anglais (sic) sans descriptif en français. (http://www.985fm.ca/national/nouvelles/l-oqlf-promet-des-sanctions-pour-les-entreprises-n-152701.html)
Ainsi, l'OQLF ne s'attèle pas tant à valoriser le français qu'à combattre l'anglais. Or, un nom propre n'appartient pas à une langue en particulier. Si, par exemple, des commerces comme DeSerres, Brunet ou Valentine ne sont pas tenus d'ajouter un descriptif à leur nom, selon quelle logique pourrait-on forcer Tim Hortons, Bentley ou Harvey's à le faire? Et Bell, est-ce plus inacceptable comme nom de commerce que Desjardins? Et El Zazium, Shawarma Express, Okimo et tant d'autres? Et toutes les déclinaisons de Casa, de Trattoria, de Phở X Y Z, etc.?

On a beau citer sans arrêt des exemples de vilains commerces dont le nom est composé de mots empruntés à la langue anglaise (Canadian Tire, Home Depot, Burger King, Sushi Shop, Toys "R" Us, Urban Outfitters, Subway, etc.), si on commence à vouloir tout franciser sans discernement, l'OQLF aura vraiment du pain sur la planche, autant d'efforts qui, par ailleurs, ne rapporteront rien du tout étant donné que cette ligne dure de la francisation des marques de commerce par l'ajout obligatoire d'un descriptif en français ne résistera pas au test des tribunaux. Et, pendant ce temps, l'anglicisation - la vraie - se poursuivra sans faire de bruit.

Concrètement, si on harcèle Canadian Tire afin de forcer la chaine à franciser son nom au Québec en y intégrant un élément descriptif en français, va-t-on faire preuve du même zèle auprès d'IKEA, de RONA, voire de Provigo? C'est un mot français ça, Provigo?

Dans le même ordre d'idées, certaines bannières ont volontairement fait le choix de modifier leurs noms au Québec afin de leur donner une saveur francophone, autant de gestes qui méritent évidemment d'être salués. Sauf que, mettez la main sur le dictionnaire français le plus proche et cherchez-y les mots Équipeur, Esso et Pharmaprix: vous n'en trouvez nulle trace.

Mais alors, ce sont vraiment des noms français? Quelle est la grille d'évaluation qui permet de déterminer qu'un nom est acceptable et qu'un autre ne l'est pas?

Un concessionnaire automobile, Montréal Auto Prix, a bien un nom composé de trois mots en français correct, mais je vous mets au défi de trouver une logique syntaxique dans cette appellation. Si ça passe dans ce cas, ça implique que Boston Pizza est tout aussi conforme.

Par ailleurs, la chaîne de supermarchés Metro a bien un nom à consonance française. Or, voilà que le détaillant québécois se fait reprocher que son nouveau logo en minuscules ne comporte pas l'accent sur la lettre E (http://www.newswire.ca/en/story/913305/le-mouvement-quebec-francais-appuie-yves-michaud-et-demande-a-metro-de-mettre-l-accent-sur-sa-clientele-quebecoise). Mais pourquoi faudrait-il absolument que Metro ait un accent? Ses propriétaires ont décidé d'identifier leur entreprise ainsi, alors c'est son nom. Point final. Est-ce que les ayatollahs de la langue française vont envahir les pouponnières afin d'enquiquiner les hérétiques parents des petits Theo et Megane qui auraient par malheur commis le geste impur d'omettre l'accent dans le prénom de leur progéniture? Évidemment non, voyons: un nom c'est un nom, comme vous pouvez choisir d'écrire Catherine ou Katerine, Jérémie ou Jeremy, ...

Et puis, tant qu'à y être, Drummondville, ce n'est pas très français comme appellation. Ainsi, j'attends avec impatience que le député de Drummond et porte-parole du Parti québécois en matière de langue, Yves-François Blanchet, ajoute à sa liste de revendications linguistiques l'exigence que la métropole centricoise ajoute à son nom un descriptif en français pour devenir officiellement la municipalité de Ville de Drummondville!

Par ailleurs, tout ameuté soit-il sur la question des marques de commerce en anglais, le même député déchirerait sa chemise en public si, par malheur, un pays comme les États-Unis exigeait soudainement via une loi l'anglicisation des marques de commerce sur son territoire, forçant du coup le Cirque du Soleil à modifier son nom afin de se conformer aux exigences linguistiques américaines: The Cirque du Soleil Circus.

L'ironie suprême, c'est qu'au moment où on s'acharne sur des commerces à cause de la consonance anglaise de leur nom et qu'on exige d'eux un descriptif en français, il suffit de circuler dans les rues du fief pourtant francophone du député Blanchet pour y voir - effet de mode - des commerces dont c'est le descriptif qui est en anglais. Deux exemples rapides de bars situés tous deux sur la rue Lindsay:

Quant à la ministre Christine St-Pierre, elle a beau affirmé d'un ton ferme que «les commerçants devront se conformer à la loi sur la langue d'affichage», il demeure que son intervention survient en période pré-électorale dans un contexte où le gouvernement qu'elle représente a fait preuve depuis des années du plus indifférent laisser-faire en matière linguistique.

Au fond, toute cette démarche pour tenter de nous convaincre que les marques de commerce sont l'instrument le plus vil de notre assimilation n'est que de la poudre aux yeux de la part de l'OQLF et des politiciens. Voilà un effort de diversion condamné à l'échec pour nous faire oublier que la Charte de la langue française comporte nombre de dispositions qui, si elles étaient accompagnées d'un minimum de courage pour en forcer l'application, permettraient d'assurer que l'usage du français soit respecté dans la langue d'affichage (autre que la marque de commerce), dans la langue de service à la clientèle et dans la langue de travail, trois pans de la loi qui sont encore allègrement bafoués ici et là.

Bref, au lieu de mettre ses efforts pour encourager et faire respecter l'usage du français dans le quotidien des Québécois, l'OQLF s'efforce de camoufler les piètres résultats engendrés par la mollesse de son action en mettant de l'avant une opération purement factice d'acharnement sur les marques de commerce, des noms propres qui ne répondent pourtant à aucune logique linguistique.

Bon, assez pour aujourd'hui; il fait trop chaud pour s'indigner! C'est l'heure des rafraîchissements. Bien sûr, il serait exagéré de ne visiter une succursale des Pizzerias Pizza Hut que pour pouvoir me désaltérer d'un grand verre de Mountain Dew - Boisson gazeuse à la limonade... Alors vite, que j'ouvre une boîte de Rafraichissements à l'eau glacée Mr.Freeze achetée chez Les supermarchés Loblaws ou que j'aille rapidement faire le plein à la Station-service Shell avant de courir chez Dairy Queen - La chaine de restauration rapide qui au Québec se limite à être un bar laitier, où l'on m'accueillera dans un français impeccable, j'en suis sûr!

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